Mixtape

Beautiful Mali

 

PLAY

 

Depuis quelques jours à peine, Tombouctou et une bonne partie du Nord du Mali ont été libérés. Pendant presque une année, le Mali était coupé en deux parties. L’une occupée, l’autre pas. L’une où des groupes armés imposaient la charia, l’autre qui espérait en un retour à l’unité d’un peuple heureux de ses différences. L’une où la musique était interdite, jugée profane, les concerts annulés et les instruments confisqués. L’autre, où elle a continué de faire partie du quotidien et représentait la voix de l’espoir des maliens, aspirant profondément à la paix.

Car c’est bien la paix qui caractérise ce peuple soudé, malgré ces apparences. Soudé, car unis par la diversité culturelle. Et s’il y a un symbole pour illustrer magnifiquement ce lien qui rassemble toucouleurs, sonrhaï, peuls, bozos, dogons, mandingues ou tamasheks,  c’est bien la musique. Une vingtaine d’ethnies vivent dans ce pays. Elles possèdent chacune une culture spécifique, un type d’architecture, une culture vestimentaire, un artisanat, des instruments, des mélodies, des rythmes, des paroles, dans un esprit d’ouverture et d’échange. Les troubles que connaît le Mali ne sauraient cacher l’histoire d’une terre d’accueil et de mixité en Afrique de l’Ouest et ce pays a toujours représenté pour la musique africaine une porte ouverte sur le monde. Profondeur vocale, exubérance de la kora ou du balafon, guitares et cuivres hypnotiques et chants incantatoires racontent l’histoire de cette grande musique malienne autant que la fraternité et les échanges qui ont toujours caractériser la cohabitation dans cette région aride du globe. Connus ou moins connu, les musiciens ont écrit l’histoire d’une formidable épopée où vision politique et modernité musicale sont étroitement liés. Ce sont eux aujourd’hui, à l’heure où les questions de la reconstruction sont posées et où les politiques se taisent, qu’on entend et qu’on écoute. Sans perdre ni la foi ni l’espoir, ils ouvrent le chemin et prennent position.

Il y a la diva Oumou Sangare. Celle qui est à l’origine de l’interdiction de l’excision dans son pays a été une des premières à s’exprimer. L’été dernier, elle a composé « La paix », dédié à l’unité du pays. Puis toutes et tous ont suivi.

Le rappeur Amkoullel, qui a fait les frais de la censure lorsqu’il a sorti son morceau « SOS », en juin dernier, dans lequel il clame : « Démocratie en papier / non non plus jamais ça / politiciens nous blaguer / fonds publics détournés / religion pour manipuler / non non plus jamais ça. » Le single passe sur certaines radios privées, mais le clip n’est jamais diffusé sur la télévision nationale.

Le pianiste et chanteur Cheick Tidiane Seck. En septembre dernier, il a mobilisé un grand rassemblement pour la paix au Mali à Montreuil, ville à l’est de Paris où vit une importante communauté malienne. Il les a tous rassemblés, de Vieux Farka Touré à Amadou et Mariam en passant par Oxmo Puccino et Mamani Keita.  Le guitariste et chanteur touareg Sidi Ag Issa, entouré de musiciens de Tamikrest, a même eu le courage de monter sur scène et de rejoindre l’élan. Aujourd’hui, Cheick Tidiane Seck, dit « le guerrier » publie un album sur lequel il mixe avec pertinence ses amours de toujours (funk, soul, rhythm’n’blues et groove mandingue) et où il parle de défis. De combats pour l’honnêteté, le respect des anciens et contre les a priori. Il cite Stéphane Hessel, rend hommage à Miriam Makeba.

Fatoumata Diawara, quant à elle, vient de réunir une quarantaine de chanteurs et chanteuses, musiciens et musiciennes dont Amadou & Mariam, Bassekou Kouyate, Vieux Farka Touré, Toumani Diabaté, Khaira Arby, Kasse Mady Diabaté, Tiken Jah Fakoly, Habib Koité et d’autres pour enregistrer pendant trois jours « Mali Ko », dans le mythique studio Bogolan de Bamako, haut lieu d’enregistrement d’Afrique de l’Ouest. Chacun y va de son couplet pour appeler à l’unification du pays et à la fin de la mainmise islamiste sur le nord du pays. « Je l’ai écrite pour montrer au monde la richesse de notre pays, notre culture mais aussi notre histoire. C’est une chanson pour mon pays ».

 

 

Autre figure du hip-hop malien, Lassy King Massassy participe à « Mali all stars », un double album hommage au Studio Bogolan qui vient de fêter sa première décennie et qui est devenu une référence de l’aire culturelle mandingue. On trouve dans ce superbe coffret les mémoires vivantes des traditions musicales du pays, les explorateurs de nouvelles voies, les mélopées blues d’Ali Farka Touré, le maître de la kora Toumani Diabaté, mais encore Björk, Tinariwen ou Rokia Traoré.

En ce moment, pour prouver encore et toujours que la musique peut être un ciment de réconciliation, une tournée en Grande-Bretagne et en France réunit trois tendances de la musique malienne : Sidi Touré, qui joue de la musique songhaï, Bassékou Kouyaté, ambassadeur du n’goni de Ségou, et Tamikrest, groupe touareg qui mélange funk et tradition tamashek. Toutes et tous veulent  montrer au monde la dignité et la force du peuple malien et redonner de la voix aux citoyennes et citoyens de leur pays.

Au printemps, ce sera le tour de la chanteuse Rokia Traore de publier son nouvel opus, simplement intitulé « Beautiful Africa », comme pour y croire, plus fort encore. . « Si je crois autant en l’Afrique, c’est parce que, dans ce monde de pouvoir et de puissance où elle n’est pas considérée, elle est précisément l’un des derniers endroits où tout reste toujours à découvrir et à faire. » Et quand elle dit cela, on jurerait qu’elle parle tout autant de cette vie de chant, de mélodies et de rythmes, sans cesse réinventés, que raconte la musique de son pays.

Alors, moi qui ai eu la chance de découvrir cette région du monde, ses habitants, ses cultures et ses musiciens, je saisis l’occasion de partager mon amour pour leurs musiques au pluriel, leur soif de l’échanger et de la confronter avec celles des autres, et leur cri de paix et de tolérance. Voici ma compilation d’espoir pour le Mali.

⬆ nach oben